Depuis une quarantaine d’années, les espaces de « liberté comptable » se sont peu à peu réduits. Ainsi, progressivement les différents organismes sans but lucratif ont été soumis à des obligations comptables et de contrôle légal de leurs comptes. Après les associations, les fondations, les partis politiques, les syndicats… Tous les comités d’entreprise se sont vus assujettir, il y a 5 ans, à des obligations comptables et de contrôle qui diffèrent selon leur taille.
Des obligations comptables qui dépendent de la taille du CSE 1
Il existera en 2020, en France, près de 40 000 CSE gestionnaires de fonds. Près de 90 % de ces entités (les CSE qui disposent de moins de 153 000 € de subventions et contributions de l’employeur) ne sont assujettis qu’à l’obligation d’une comptabilité ultra simplifiée 2.
Pour les CSE de moyenne taille, la loi impose de confier une mission de présentation de leurs comptes annuels à un expert-comptable (environ 4 000 CSE concernés). Enfin, s’agissant des CSE de grande taille, ils ont l’obligation de faire certifier leurs comptes par un commissaire aux comptes (environ 250 CSE concernés). Notons qu’avant l’entrée en vigueur de cette obligation, environ 30 grands CE avaient choisi de se doter volontairement d’un commissaire aux comptes.
L’obligation d’audit légal
Il n’existe pas de statistiques ou d’analyses macro-économiques qui permettraient de cerner les flux financiers générés par les CSE. Toutefois, sur 19,6 millions de salariés du secteur privé, environ 11 millions de salariés seraient couverts par un CE. Cela représenterait un montant global de ressources provenant des employeurs d’environ 3,5 Mds d’euros. Si nous supposons que les 250 grands CSE disposent en moyenne de 10 M€ de ressources provenant des employeurs, cela représenterait 2,5 Mds € pour ceux contrôlés par un ou plusieurs commissaires aux comptes. Il faut ajouter à ces ressources le budget induit par les salariés du fait de leur participation aux activités.
Eu égard à ces enjeux financiers, le législateur a souhaité créer de la confiance et de la rigueur en instituant ces obligations nouvelles. En effet, au fil des décennies passées, de nombreuses affaires ont écorné l’image des comités d’entreprises ou d’institutions comparables dans de grandes entreprises. Parmi ces affaires, on peut noter de classiques détournements ou manipulations de fonds, comme on peut en trouver bien évidemment dans les entreprises ; mais plusieurs affaires avaient pu mettre en doute la bonne utilisation des fonds gérés par les CE au profit de financements qui, en final, pouvaient profiter à des organisations syndicales au lieu de bénéficier à la communauté des salariés de l’entreprise.
Le commissaire aux comptes, créateur de confiance, détenteur d’une parcelle d’autorité publique va exercer sa mission comme dans les entreprises avec des obligations de certification, de déclenchement éventuel d’une procédure d’alerte et éventuellement de révélation au procureur de la république des éventuels faits délictueux.
Nomination d’un ou de deux commissaires aux comptes pour un mandat de six exercices
En vertu de l’article L. 2315-73 du Code du travail, le CSE est tenu de nommer un commissaire aux comptes dès lors qu’il dépasse, deux des trois critères suivants au cours de l’exercice qui suit le franchissement des seuils :
- 50 salariés à la clôture de l’exercice ;
- 1,55 M€ de bilan ;
- 3,1 M€ de ressources annuelles.
Pour les CSE tenus d’établir des comptes consolidés 3, lorsque l’ensemble constitué par le CSE et les entités qu’il contrôle, au sens de l’article L. 233-16 du Code de commerce, dépasse certains seuils, ils doivent nommer deux commissaires aux comptes en application de l’article L. 823-2 du Code de commerce 4.
En application de l’article L. 2315-44-2 du Code du travail, dès lors que le montant des honoraires du commissaire aux comptes dépasse 30 000 euros TTC – sur la durée complète du mandat, les critères retenus par le CSE, sur proposition de la commission des marchés pour le choix des fournisseurs et prestataires s’appliquent.
Le cadre légal de la mission du commissaire aux comptes
En l’absence de dispositions spécifiques du Code du travail contraires 5, les règles applicables aux commissaires aux comptes des CSE sont celles prévues par le Titre II du Livre VIII du Code de commerce, et en particulier à ses articles L. 823-9 à L. 823-12.
Ainsi, le cadre de la mission des commissaires aux comptes nommés dans les CSE, comprend notamment :
- la certification des comptes ;
- les travaux relatifs au rapport de gestion et aux autres documents adressés aux membres de l’organe délibérant appelés à statuer sur les comptes ;
- le signalement des irrégularités et inexactitudes relevées au cours de l’accomplissement de leur mission ;
- la révélation au procureur de la République des faits délictueux dont ils ont eu connaissance ;
- les obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
En outre, le Code du travail prévoit des dispositions spécifiques portant sur les conventions entre le CSE et l’un de ses membres ainsi que sur la procédure d’alerte 6.
Le commissaire aux comptes doit également procéder, conformément à l’article L. 823-10 du Code de commerce, à la vérification du rapport prévu à l’article L. 2315-69 du Code du travail relatif aux informations qualitatives sur les activités et sur la gestion financière du CSE. Ainsi, il est conduit à vérifier la sincérité et la concordance avec les comptes annuels des informations données dans ce rapport. Pour cela, il met en œuvre les diligences requises par la NEP 9510.
Le commissaire aux comptes doit aussi procéder à la vérification du rapport de la commission des marchés prévu à l’article L. 2315-44-4 du Code du travail. Ce dernier étant joint en annexe au rapport présentant des informations qualitatives sur les activités et sur la gestion financière du CSE, il fait partie intégrante du rapport visé à l’article L. 2315-69 relatif aux informations qualitatives sur les activités et la gestion financière, et entre, à ce titre, dans le champ d’application de la NEP 9510.
Paru dans « Revue Française de Comptabilité » Novembre 2019 N°536
1. Sur ce point, voir les aspects détaillés dans l’article de Xavier Huaut Dupuy du dossier.
2. Voir règlement ANC n° 2015-01.
3. Art. L. 2315-67 du Code du travail.
4. Art. L. 2315-73, al. 2 du Code du travail.
5. Telles qu’elles résultent de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 et ses décrets d’application.
6. Art. L 2315-70 du Code du travail
Note relative aux obligations des CSE
08/12/2019 - Gérard Lejeune